MAIS QU’EST-CE QUE LE SUEDAGE ?

Lorsque Jerry, dans Soyez sympas, rembobinez (Michel Gondry, 2008), efface accidentellement toutes les cassettes du vidéo-club

dans lequel Mike travaille, les deux hommes décident de bricoler des remakes des films disparus pour les remplacer. Afin de faire

face à la demande des clients,qui apprécient grandement leurs remakes tout en ignorant tout de leurs origines, les deux amis

prétendent que ceux-ci proviennent de Suède (c’est pour cela qu’ils sont plus chers et qu’il faut attendre) et sollicitent l’aide

des habitants de leur quartier afin de « suéder » toujours plus de films (ce qui crée du lien social).

Le suédage est devenu depuis ce film une pratique reconnue dans le milieu audiovisuel, promue par de nombreux concours à

travers le monde, et c’est ainsi une culture particulière du cinéma (tout le monde peut faire des films + le cinéma peut rassembler

les personnes), qu'il m’a semblé pertinent de faire découvrir aux jeunes.

Accompagnés par Rémy Ratynska (association Kinozoom) et moi-même, les jeunes ont donc été amenés à choisir des films cultes

et à les suéder, c'est-à-dire à en réaliser les remakes « bricolés ».

                                                              SEPTEMBRE : quel film ?

En guise d’introduction, nous avons commencé par visionner ensemble de courts extraits de Soyez sympas, rembobinez (Michel

Gondry, 2008) pour questionner les enjeux du film, du suédage, et de la notion de film culte.

A eux maintenant de choisir LE film que nous suèderons, mais à l’issu des débats et des votes, ce sont deux films qui se

démarquent : Dirty Dancing (Emile Ardolino, 1987) - mais problème : certains jeunes protestent, et La Vie Scolaire (Grand Corps

Malade et Mehdi Idir, 2019), mais problème : ce n’est pas un film culte !

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec deux films à suéder au lieu d’un seul, mais avec en revanche deux méthodologies

différentes : pour Dirty Dancing, nous avons suédé le film dans son ensemble (en le résumant par ses moments clefs), alors que

pour La Vie Scolairenous avons suédé (faute d’un film culte) la séquence la plus culte du film.

Nous nous sommes ensuite accordés sur le vocabulaire propre au cinéma, qui nous a servi tant pour la fabrication du film que

pour l’analyse d’œuvre.

                                                             OCTOBRE : étapes de fabrication et casting

Nous avons retracé les différentes étapes de la fabrication d’un film (écriture, développement, préparation, tournage,

postproduction,  exploitation), en en précisant les sous-étapes et les enjeux.

Nous avons enfin clarifié un point que tous souhaitaient voir clarifier depuis longtemps : qui va jouer dans nos suédages?

Pour Dirty Dancingnous avons rapidement eu l’idée de répartir la charge de travail et d’exposition sur plusieurs binômes qui

s’enchaineraient, alors que pour La Vie Scolaire, les jeunes avaient déjà une idée très précise du casting.

                                                             NOVEMBRE : équipe technique, découpage et dépouillement

Le 10 novembre, nous avons reçu notre intervenant Rémy Ratynska pour discuter des métiers, des postes et des équipes qui

s’affairent sur un plateau, et pour déterminer qui se placerait dans nos projets, à la production, à la réalisation, à la régie, aux

décors, aux accessoires, aux costumes, au maquillage/coiffure, au son, à la lumière ou à la machinerie.

Chacun s’est donc positionné sur un poste différent sur chacun de deux films.

Les jeunes ont ensuite réalisé les découpages techniques de nos séquences, afin d’identifier précisément et techniquement ce que

nous avions à tourner. Les découpages techniques découpent les séquences en plans (une centaine dans le cas de notre projet) et

indiquent leur durée, leur décor, leur action (image + son), leur échelle et leur angle.

A partir de ces découpages techniques, ils ont fait les dépouillements en listant tous nos besoins pour les tournages afin de les

anticiper.

                                                              JANVIER : préparation en équipes, répétitions et feuilles de service

C’est en janvier que la préparation des tournages a véritablement débuté. Travaillant en équipe, les jeunes devaient répondre aux

exigences de leurs postes : trouver (et même fabriquer) les décors, réunir les costumes et les accessoires (et les sécuriser à la

cartonnerie), dessiner les plans de tournage (avec les places de la caméra et des personnages dans les décors), faire les courses

(il y a toujours à manger sur un tournage !), apprendre son texte ou ses pas de danse,…

Il leur a fallu ensuite répéter, tous ensemble, « comme si on y était », en s’attachant à être les plus fidèles possible aux œuvres

initiales, et respectueux de ce que sont ces films.

Ils ont enfin conçu les feuilles de service des deux journées, dans lesquelles ils ont détaillé l’ordre des plans à tourner en fonction

des décors (contre toute attente, on ne tourne que très rarement dans l’ordre !) et listé ce que chacun devait faire ou apporter

le jour J. Contrairement à ce que j’avais envisagé, les jeunes ont compris rapidement l’intérêt de cette préparation fastidieuse

et exigeante. C’est à cette période que certains d’entre eux ont commencé à s’investir en dehors du temps de cours, soit pour

créer les décors, soit pour aller faire des courses, soit pour poster des messages de rappel sur le groupe classe, soit pour me courir

après dans tout le lycée avec une question cruciale,… Ce projet qui était le mien est progressivement devenu le leur.

                                                             FEVRIER : tournage !

Dernière ligne droite ! Le 9 février, les jeunes ont pu présenter leurs décors à Rémy Ratynska, notamment afin qu’il puisse

apporter le matériel d’éclairage adéquat. Et bien entendu, nous poursuivions nos répétitions !

suedage de Dirty Dancingsuedage de La Vie Scolaire

L’échéance approchant, ils ont réalisé à quel point nous disposions de peu de temps pour tout tourner et à quel point

l’accomplissement du  projet dépendait de la qualité de la préparation de chacun d’entre eux. Chacun devait faire ce qu’il avait

à faire, au risque de mettre en péril l’entièreté du projet pour tout le monde. Leur projet reposait véritablement sur leurs épaules.

Les jeudi 18 et vendredi 19 février, nous avons pu réaliser les prises de vue et de son de nos films, et comme en témoigne le

résultat,  leur investissement a été incroyable. Ce tournage était un “mini vrai tournage” et tous les jeunes ont joué le rôle

artistique ou technique  dont ils avaient la charge avec beaucoup de créativité et de sérieux. Nous avons dû jongler avec des

difficultés imprévues, et faire ensemble des choix de dernière minute, comme dans tout tournage. C’est ainsi autour de cette

confrontation au réel que certains jeunes se sont sentis particulièrement à l’aise. Des jeunes, parmi lesquels je savais pouvoir

compter, se sont surpassés quand d’autres, plus réservés en classe, ont subitement endossé de grandes responsabilités.

                                                             MARS : analyse filmique

Nous avons commencé l’analyse filmique de Dirty Dancing et de La Vie Scolaire nos deux films et le 30 mars, nous avons pu recevoir

Margot Grenier (critique et médiatrice cinéma) dans le cadre du dispositif « Lycéens et Apprentis au Cinéma », pour une intervention

« Savoir parler d’un film », au cours de laquelle elle a poussé plus avant l’analyse précise de quatre séquences de ces films.

                                                             AVRIL : affiches

Le mois d’avril a été consacré à notre concours d’affiches destinées à présenter nos projections.

affiche realisee par une jeune de la classe

                                                             MAI : projection

Le lundi 17 mai, les jeunes ont présenté leur travail aux apprenants (environ 60 jeunes sur les 90 en présentiel cette semaine-là)

et à la communauté éducative (une dizaine de collègues) lors de deux séances (12h20 et 13h20). Ils ont montré leur film et

sont notamment  revenus, en réponse aux questions de leur public, sur leur rôle au cours des différentes étapes de la fabrication,

et ont ainsi pu vivre un moment de restitution et de partage à la hauteur de leur expérience de l’année.

                                                             PAROLES DE JEUNES

« Michel Gondry a voulu montrer que tout le monde peut faire des films et c’est ce qu’on a fait, et le 17 quand les autres vont le voir,

ils se diront qu’ils le peuvent aussi ».

« Là maintenant dans mes séries souvent je me demande où ils ont pu mettre la caméra, que cela devait être hyper chaud pour

les comédiens et je compatis, ou qu’ils ont sûrement du la refaire plein de fois ! »

« Si c’était à refaire, je m’investirais encore plus, car quand je vois le résultat, je voudrais que ça me ressemble encore plus,

y mettre encore plus de moi ! ».

« Ce que ça m’a le plus apporté, c’est de la confiance en moi ».

« Pendant ces deux jours, on était obligés de coopérer, sinon le film ne pouvait pas se faire, chacun était indispensable

et on devait tout le temps se mettre d’accord ».

« On avait jamais fait ça, un film comme ça, et on le refera sûrement plus jamais, donc c’est énorme d’avoir pu le faire au lycée

et qu’en plus ça compte pour notre BAC ! ».

 

Pour voir le film sur Vimeo: Cliquer ici X

 

Année scolaire : 2020 / 2021

Etablissement : Bel Air de Fontenay-le-Comte

Projet : « Soyez sympas, suédez ! »

Financement : AEL « Les jeunes ont du talent » + Lycée

Classes : TSAPAT information enseignement SAPAT cliquer ici

Enseignante ESC : Lise Lefèvre

Intervenant : Rémy Ratynska (association Kinozoom)